L'art de la corrida ?

Beaucoup d'opposants à la "tauromachie", contre l'argument des aficionados, soutiennent que la corrida (ou "la torture") n'est pas de l'art. On ne peut pas décréter ça.

Je m'explique : Définir l'art est toujours subjectif. Devant la prétention de certains de s'adonner à de l'art, avoir la prétention inverse est encore plus tendancieux. Être soi-même sensible à ce qu'on perçoit comme de l'art est plutôt un bon signe du caractère artistique. Avec toute la subjectivité de ce caractère, pour venir dire que ce que certains pensent de l'art n'en est pas, il faut apporter une argumentation riche et structurée. Malgré cette subjectivité du caractère artistique, ce n'est pas trop s'aventurer que de considérer que l'art n'est pas ce qui est mignon et inoffensif, mais ce qui donne des émotions. Ainsi c'est un peu comme si le laid autant que le beau étaient beaux. En effet, le neutre, indifférent, qui n'anime aucune passion, aucun sentiment, n'est pas de l'art. Au contraire un paysage époustouflant est artistique. Et tout autant sinon plus encore ce qui choque, qui heurte, dégoûte, horrifie. L'art ne laisse pas indifférent ; c'est peut-être sa seule définition universelle. Ainsi le sang, la violence et la mort sont des thèmes privilégiés de l'art. Ils impriment chez presque tous des sentiments forts. Que ces sentiments soient dits "négatifs" ne rend pas l'œuvre moins artistique.

Alors mettre en scène un combat avec une bête qui dégage une forte impression de puissance, qui plus est guerrière (cornes) ; un combat sanglant, violent ; une véritable torture jusqu'à la mort ; est très probablement de l'art. Et tant qu'un artiste ne jette pas son art cruel au visage de personnes influençables (enfants...), je ne vois rien à redire. Il peut peindre, sculpter la torture et la mort.

Mais l'art ne justifie pas qu'on maltraite et tue pour de vrai un être sensible. La corrida serait un art : peut-être, sûrement même. Mais ça ne justifie pas la torture et la mise à mort. Si j'ai le goût de torturer à mort et en public les humains roux, je ne peux pas pour autant le faire en le justifiant par son caractère artistique - ni (prétendu) culturel ou traditionnel. Entre la mort et la violence dans l'art et celles dans la réalité il y a un énorme fossé, qu'il ne faut évidemment pas franchir.