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Espoir d'1 rat vert
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9 novembre 2013

Espécisme

 Voir la définition du mot (e)spécisme.

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J'emploie dans ce texte le nous pour parler de notre espèce (homo sapiens). Le on n'est pas forcément réservé à notre espèce.

Tout d'abord, il faut comprendre que les performances ou la capacité morale des différents animaux n'est pas ce qui compte pour savoir comment nous devons les traiter. Le seul élément pertinent émotionnellement et surtout rationnellement (question donc de justice et non de sensiblerie ou de préjugé), c'est l'intérêt que peut avoir un animal. "Quel autre critère devrait marquer la ligne infranchissable ? Est-ce la faculté de raisonner, ou peut-être celle de discourir ? Mais un cheval ou un chien adulte est un animal incomparablement plus rationnel, et aussi plus causant, qu'un enfant d'un jour, ou d'une semaine, ou même d'un mois. Mais s'ils ne l'étaient pas, qu'est-ce que cela changerait ? La question n'est pas : Peuvent-ils raisonner ? ni : Peuvent-ils parler ? mais : Peuvent-ils souffrir ?" : Bentham.

Un animal qui peut souffrir a un intérêt à ne pas souffrir. Et c'est bien ce qui compte. De même, un animal dont la vie lui importe a un intérêt à vivre. Un animal social a un intérêt à entretenir des relations. Etc.

Bien souvent, nous n'accordons aucun intérêt aux animaux autres que nous-mêmes. Ou parfois nous parlons du caractère sacré de la vie. Dans les deux cas nous nous enfermons dans un principe d'autorité (= principe qui refuse toute évolution et que lui soit appliquée la raison critique), aussi rassurant que faux. Nous osons rarement poser vraiment ces questions qui pourraient conduire à remettre en cause l'exploitation animale, par exemple. Pour la question écologique et économique de l'élevage, voir : viande. De même lorsqu'il s'agit d'utiliser le lait d'animaux génétiquement modifiés, les questions éthiques ne concernent jamais l'exploitation animale.

L'expérimentation animale est plus critiquée. Et cette fois au nom de l'intérêt des animaux. Mais le plus souvent cet intérêt est mis en balance avec celui de notre espèce. Torturer un millier de rats pour sauver une seule vie humaine semble être l'éthique en vigueur. Seulement il faudrait se demander en quoi sacrifier des milliers d'animaux sauve des vies humaines. Mais si l'expérimentation animale était bénéfique à notre espèce, en quoi pourrions-nous ainsi négliger les intérêts primordiaux de millions d'animaux pour sauver la vie ou simplement améliorer le confort sanitaire de seuls humains ?

Les monothéismes - par eux-mêmes ou par les idéologies qui les manient ? – propagent une vision particulièrement espéciste. L'humain est montré comme "à l'image de Dieu". Les animaux et les plantes sont là uniquement pour lui être utiles. C'est probablement la volonté de légitimer l'exploitation et le mépris des autres espèces qui a conduit à écrire ce genre d'insanités et pas l'inverse.

Notre espèce n'est pas la seule dont il faut se préoccuper de l'intérêt. Notre planète et son équilibre, la bio-diversité, les écosystèmes ont une valeur en eux-mêmes. Nous n'avons aucune excuse pour tenir compte que de notre seul intérêt. Mais comme nous sommes dépendants de la santé de notre planète, des écosystèmes et de la biodiversité, c'est finalement – aussi – dans notre intérêt d'en prendre soin. En fait, pour faire simple, dés que nous exterminons une espèce, que nous polluons, détruisons, ça nous retombe sur le coin de la gueule. Par contre, ce n'est pas le cas avec la façon dont nous traitons les autres espèces animales. C'est pourquoi il faut poser la question de leur valeur.

Le caractère sacré de "la" vie

Parfois nous parlons du caractère sacré de la vie. Et nous définition la vie selon un processus cellulaire. Ce qui est une notion aussi floue que vide de sens. En effet, où est la supériorité de valeur entre un mécanisme bio-chimique et un électromécanique ? Ça tient d'ailleurs là encore de l'anthropocentrisme espéciste : nous donnons plus de valeur à ce qui nous ressemble. C'est totalement injustifiable.

Tout n'a pas la même valeur. Seulement vivant ou pas (selon une définition biologique) n'a pas d'importance. Un arbre joue un rôle écologique, il interagit avec son milieu. Par contre ce n'est pas le fait qu'il existe un processus cellulaire qui compte. Il n'a pas plus de volonté, de pensées, de communication, qu'un caillou.

Animalité

Déjà, où est la limite entre les animaux et les autres ? Certaines plantes carnivores organotrophes sont plus mobiles et interactives (pseudo réflexe) que des éponges. Il n'y a d'ailleurs aucune raison, en parlant de la vie au sens biologique, de prêter plus de considération aux animaux qu'aux plantes. Ce qui nous intéresse chez les animaux, c'est le coté animé. Passons donc sur les animaux à la limite de la définition, qui n'ont pas plus d'intérêt que des plantes ou minéraux.

Gesticulation ne signifie pas conscience. Une machine programmée aussi bouge sans que ça donne plus de valeur à son existence. Des animaux comme les insectes semblent se contenter de suivre leur programmation : "instinct", exactement comme des machines. C'est à dire sans aucun libre arbitre. Ils exécutent docilement leur programmation. Certains animaux ont des capacités neurologiques qui dépassent largement celles de simples automates industriels. Mais ça ne change rien au fait, qu'il n'y a aucune liberté, par exemple dans les actions des fourmis.

Sensibilité

Certains me diront que les êtres animés ont quelque chose d'important que n'ont pas les plantes ou les cailloux : un système nerveux. Mais là je reprends l'exemple des machines, qui réagissent aux stimuli en fonction de leur programmation, via le câblage, les capteurs, les préactionneurs. "Oui mais qui dit nerf, dit possibilité de souffrance." Vraiment ? La douleur est plus qu'une pure information, uniquement si on lui donne du sens. Alors elle devient même souffrance. Seulement je vois encore du centrisme dans le fait d'attribuer de la douleur aux insectes et pas aux machines. Comment pourrait-ils interpréter le message nerveux comme de la souffrance alors qu'ils n'ont aucun psychisme ? La souffrance peut être évoquée en contre point du plaisir. Bien sûr c'est vite tourner en rond avec ça. Pour les deux, il s'agit que l'animal puisse ou pas interpréter. Souffrance et plaisir ne sont pas des simples informations mais des ressentis. Ce n'est pas les nerfs qui créent la sensibilité (au sens de ressentir plaisir et souffrance). C'est au contraire la sensibilité qui fait qu'on interprète une information, une situation comme plaisante ou douloureuse. Un nerf ou un câble, un organe sensoriel ou un capteur, ça ne change rien. C'est prendre la question par le mauvais bout. Une machine ne peut pas donner de sens aux informations qu'elle reçoit. Elle n'est qu'un exécuteur, qui n'interprète pas, ne choisit pas. Il en va exactement de même pour un insecte ou un bivalve. Que le message soit électrique ou chimique.

La limite entre les animaux sensibles et non, n'est pas évidente. Elle ne coïncide probablement pas avec la classification phylogénétique. La souffrance est une expérience émotionnelle pénible. Or sont aisément observables de réactions émotionnelles : peur, stress, anxiété, dépression… également des expériences plaisantes : joie, relaxation, enthousiasme… Ce sont ici des ressentis parfois purement émotionnels, lorsque sans caresse ou douleur physique. Les animaux enfermés notamment dans les cirques ou pour la fourrure, manifestent souvent une stéréotypie ou autres troubles psychiques ou psychologiques. L'expression de tels troubles est la preuve formelle de l'existence chez de tels animaux d'un psychisme et d'émotions. À partir de telles observations, il est rationnel de considérer les vertébrés1 comme sensibles. Et à ce titre, il est cruel de faire souffrir ces animaux, ou de ne pas prendre en compte ce paramètre. (Voir article 521_1.) La sensibilité est le premier stade important. Un élément que certains animaux partagent avec notre espèce et qui nous oblige à un certain respect et à la prise en compte de leurs intérêts. Ces êtres ne sont pas de la matière exploitable sans considération autre que notre seul intérêt espéciste.

De plus la vie même de ces êtres a un sens. L'écourter, mêmes avec une mise à mort sans souffrance, c'est les priver des joies qu'ils auraient pu vivre. Ils ont un intérêt à profiter de leur vie. La capacité à ressentir plaisir et souffrance induit donc qu'il faut éviter de maltraiter ces animaux, mais aussi de les tuer. Évidemment dans des cas extrêmes l'intérêt d'un animal peut être que ses souffrances soient abrégées. Il en va ici de même que pour les humains (voir : libre arbitre 2 #a221-1), à la différence qu'un humain peut dire sa volonté, alors qu'il faut interpréter l'intérêt d'un non humain.

Il ne faut pas aller trop loin dans la lutte contre la souffrance. L'existence comprend une part de souffrance. La vie dans un cocon d'ouate perd son sens. Condamner la moindre douleur animale est ridicule, au même titre que chez les humains. Par contre certaines souffrances infligées aux animaux tiennent de la barbarie. Les conditions d'élevage (entassement, mutilations, gavage…), de transport et de mise à mort du "bétail" ou des poissons tiennent le plus souvent d'une cruauté aussi inhumaine (abjecte) qu'humaine (propre à notre espèce). Un seul exemple vis-à-vis de l'élevage : les cochons qui sont saignés vivants pour que la viande soit meilleure. Notre espèce est parfois bien abjecte. Dans d'autres domaines, il est à citer : l'expérimentation animale (dont je parle supra), la corrida, la chasse, la pêche.

Et ce n'est pas tout. Tout ce que nous argons comme spécifique à notre espèce, tient uniquement (ou presque) de l'orgueil. L'intelligence ne nous est pas propre ; ni la sensibilité ; ni la volonté ; ni l'amour ; ni la personnalité ; ni la conscience. La conscience est une notion qui se dérobe. Les définitions sont diverses. Certains la définissent justement de sorte d'en faire le propre de notre espèce (la volonté cyniquement espéciste est évidente). Laissons donc tombé ce débat sophiste.

La capacité à souffrir est donc suffisante à donner un intérêt à vivre, qui doit alors être équitablement protégé. Mais d'autres facteurs peuvent ajouter encore du sens à la vie de certains animaux. La vie propre d'un animal a d'autant plus de valeur qu'elle est sensée. L'intérêt individuel à vivre est renforcé chez un animal qui assume une liberté, aime, se comporte personnellement, a une conscience supérieure. Tout ceci donne un but dans la vie et un sens à l'existence propre de l'individu concerné.

La notion de personne et de sensibilité dans la loi

La loi distingue les personnes (sous-entendues humaines) et les biens. Elle emploie des expressions comme "autrui". Seulement, c'est le grand vide sur tous les êtres vivants non considérés comme autrui : plantes et animaux non personnes. Il en va de même dans la langue : il faut choisir entre qui et quoi.

Seul un article de la loi française évoque les "êtres sensibles" et leur donne un statut juridique différent de celui de propriété : l’article L214 du code rural. Il en va à peu près de même dans les autres pays. Seulement de tels articles sont loin d'aller au bout de leur logique et de leur application. Dans la pratique, les animaux non-humains sont considérés comme des propriétés, des ressources, des marchandises. Le fait même de les exploiter (emprisonner, utiliser, tuer…) pour des intérêts humains aussi futiles soient-ils, n'est pas remis en cause. Les animaux non humains sont vus pour ce qu'ils peuvent apporter à notre espèce. Seul tuer ou maltraiter pour le plaisir est interdit (et encore : sauf certaines traditions), ainsi que les pratiques jugées les plus cruelles, dont tuer ou mettre en cage ne fait partie.

Il faudrait reconnaître les droits des être sensibles y compris non humaines. L'idée de la loi est qu'une liberté doit avoir comme seule limite l'intérêt supérieur d'autrui. Cet "autrui" devrait concerner donc les animaux sensibles, en particulier ceux ayant une personnalité. Nous sommes la seule espèce pouvant prendre des décisions de manière éclairée, une fois adulte et responsable (agent moral). Du moins pour le moment. Donc on ne peut pas appliquer toutes ses questions de liberté (comme le droit de vote) à d'autres espèces. Par contre, il faut tenir compte de leur intérêt. Il en va à peu près de même des animaux sensibles et des humains irresponsables (enfants, séniles, handicapés mentaux…). En effet, ce sont des patients moraux, c'est à dire qu'ils ont des intérêts qui doivent être considérés. Les agents moraux (personnes responsables) ont le devoir de respecter l'intérêt de tous les patients moraux ; tant de ceux qui sont aussi agents moraux que de ceux qui ne le sont pas. L'intérêt d'autrui est celui de toutes les êtres sensibles, humains ou pas. On ne devrait pas faire passer l'intérêt le plus futile d'un humain avant l'intérêt primordial (par exemple vital) d'un être sensible non humain. Or c'est pourtant ce que nous faisant avec l'élevage, la pêche, la chasse, l'utilisation des animaux dans les cirques, les arènes, les gallodromes, etc.

Pour combler le vide linguistique et juridique, il faudrait faire la distinction entre les personnes responsables (humains majeurs), les autres personnes, les animaux sensibles, les êtres vivants et les choses. Dans la loi l'idée de vie n'a pas d'importance (ce serait pertinent dans le langage). Par contre la sensibilité (peut-être la personnalité) et la responsabilité, si. Chacun de ces paramètres doit être pris en compte pour un traitement légal en fonction. Il faut bien-traiter et ne pas tuer les êtres sensibles, alors que ça n'a pas de sens pour les choses ou les plantes. Il faut donner des droits et surtout devoirs spécifiques aux personnes responsables.

 


 

1 Et aussi des espèces bien éloignées de nous dans l'arbre de l'évolution ou de la classification (très proches l'un de l'autre). Je pense en particulier aux céphalopodes. Très différents de nous mais le développement de la sensibilité peut prendre divers chemins. Comme bien d'autres choses dans l'évolution, par exemple le vol des insectes et des vertébrés développés indépendamment l'un de l'autre.

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